Rêveries Haïtiennes
Ombres sombres aux volets de ma chambre. Je suis le sifflement du souffle de Sébastien. On n’entend plus les voitures, plus d’aboiements. On n’entend plus de bruits venant de la cuisine. À cette heure, il ne reste plus que le vent qui flatte les chachas avec l’habituel son sourd des amandes qui quittent leur mère pour aller choir contre la céramique qui ne brûle plus les pieds une fois la nuit tombée. C’est le moment que les chauves-souris ont choisi pour plonger dans la piscine pour s’y abreuver.
Tout est fidèle à Haïti, suis-je donc de ceux qui ne suivent pas la tradition du sommeil?
S’éveille une intuition. Je perçois, l’assemblage fragile d’un tout que je ne connaissais pas. C’est ici, dans la nuit que se distingue l’impression d’une conscience vague.
Sans véritable motif je quitte le lit, la chambre, le sifflement régulier de la respiration lente de Sébastien. Je tente le silence. J’y met trop d’effort, le plancher de céramique étouffe tous les sons. En descendant l’escalier, je me rapproche du chant des grillons. Tous ces jeux sonores forment une berçante mélodie qu’il est facile d’oublier si l’on oublie de s’y abandonner.
chaque pas me rapproche d’ailleurs
chaque tour de tête défend un secret toujours mieux gardé
si fébrile regard si intense
il doit se trouver quelque chose dans l’œil solide des résidents
C’est donc pas à pas que j’erre dans cette grande maison maintenant vide. Les choses ont perdu leur nom, résiste seulement leurs formes vaporeuses. Tout glisse, je ne me repère pas puisque tout m’en défend. Je sens que je suis seul à bouger en soulevant les pieds, le reste fait autrement. Oser, je marche sur un des mouvants. Nausée, mon cœur me pince. Quel manque de finesse, quel manque de grâce.
<<Pardonnez-moi, je suis étranger>> murmurais-je gêné.
Les mouvements changent. Se tortillant, les formes m’invoquent. L’endroit déjà presqu’infini s’agrandit, gonfle. J’observe ma forme si ferme, silencieuse de son, mais bruyante d’énergie qui s’avance pas à pas.
Pourtant, tout reste pareil
Pourrons-nous lui pardonner ?
À cet étranger de lui-même